Littératures / Théories et Méthodes

<< retour << accueil <<

Seulement Bibliothèques
un essai de Rhématologie appliquée

 

Pour Eric Joncquel
Conservateur de la Bibliothèque ordonnée

 

Les souvenirs d’un auditeur emphythéote

Il y a un peu plus de quarante ans, je reçus du T.S. Latis, l’injonction suivante :

seulement_bibli

J’avais été admis au sein du Collège comme "auditeur emphythéote"1, et je fus en effet nommé "régent", quelques années plus tard, dans la chaire de rhématologie descriptive2, chaire qui figure sur l’Organigramme du Collège publié en clinamen 101 (vulg. avril 1974)3.
Le mot rhématologie n’est attesté en français, semble-t-il, que dans les publications du Collège. Parmi de nombreux autres néologismes dont cette inestimable institution a enrichi notre vocabulaire, ce lexème particulier a été visiblement construit4 à partir de

fr. rhème [rem]

  n.m.(gr.rhêma, tout ce qu’on dit, mot, parole ).
  En linguistique, syn. de commentaire.

Dans une communication personnelle dont je le remercie, Walter Henry avait cru pouvoir rattacher rhématologie au radical rhé- (gr. rhein, couler) qui induit les lexèmes rhéologie et logorrhée. Il ne s’agissait là que d’une étymologie trompeuse que la simple considération des accents sur les e (ou simplement celle des racines grecques : rhma et rein) aurait permis d’éviter.

C’est donc effectivement d’un commentaire qu’il s’agit ici, conçu à l’occasion d’une exaltation nouvelle des chaires du Collège et en coïncidence différé (dans l’espace et dans le temps) avec l’injonction du T.S. Ce commentaire est celui que m’inspire le récent essai de Benoît Berthou, intitulé : La bibliothèque en mouvement5. Ancien bibliothécaire (comme Mao, Leibniz et Lambert), j’ai saisi cette occasion de préciser et de compléter les informations qu’apporte son essai, en m’inspirant de travaux antérieurs, mais en élargissant le propos au-delà du domaine habituel : il s’agira de mots, assemblés à tous les niveaux de l’échelle littéraire :avalanches de mots, d’hyperavalanches de mots, de mots (écrits), regroupés en phrases, en paragraphes, en chapitres, en livres, en amas de livres, en hyper amas, etc..

seulement_bibli

Johannes Friedrich Lambert  (1728-1777), auteur du Neues Organum oder Gedanken über die Erforschung und Bezeischnung des Wahren und dessen Unterscheidung vom Irrthum und Schein, confronté à un difficile problème de classement


Mais du passé, faisons rapidement table d’hôte : étudiant prolongé, j’avais obtenu, non sans mal, une licence es lettres (en philosophie) et une licence es sciences (en mathématique) avec des maîtres tels que Bachelard,  Halbwachs, etc.. Pour le certificat de "Logique et Philosophie des sciences", il fallait étudier divers systèmes de classification : Ampère, Auguste Comte, etc.. En mathématique la vieille garde de la théorie des fonctions régnait encore. Mais les premiers fascicules du traité de Bourbaki venaient de paraître. Le fameux Fascicule de résultats explicitait de façon lumineuse les notions de structure et d’échelle de structures, notions sur lesquelles je méditais depuis longtemps, fasciné par les films de Jean Painlevé, inventeur méconnu de ce "zoom d’échelle" auquel La guerre des étoiles et ses imitations nous ont habitués.
Bachelard avait accepté de diriger une thèse que je luis soumettais Sur le fondement des mathématiques. Mais le directoire du CNRS n’ayant pas accordé la bourse espérée, il me fallut accepter un emploi de bibliothécaire au Commissariat à l’Energie Atomique (installé provisoirement dans les redoutes du Fort de Châtillon). Frédéric Joliot-Curie était encore Haut Commissaire et son ancien assistant Jacques Labeyrie avait proposé mon nom pour un emploi auquel, heureusement, ne correspondait à l’époque aucun diplôme spécifique.

 

Penser, déclasser

Il y a un vertige taxonomique. Je l’éprouve chaque fois que mes yeux tombent sur un indice de la Classification Décimale Universelle (CDU).
Georges Perec6

Marie-Elisa Cohen-Nordmann, une rescapée de Ravensbruck, qui dirigeait le Service de la Documentation me demanda de concevoir un système de classification matières propre à remplacer la vieille CDU (Classification décimale universelle) de Dewey.

Les notices attachées aux documents étaient alors portées sur des fiches, rangées dans des tiroirs et ceux-ci dans des meubles spécialement adaptés. Une approche pragmatique s’imposait, qui épouserait la structure même des outils de rangement utilisés dans les centres de documentation (de tels classeurs à tiroirs en bois verni subsistent encore dans de nombreuses bibliothèques : à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, à la Bibliothèque Forney, et même à la Médiathèque de la Cité des Sciences de La Villette).

Dans la bibliothèque du CEA, les fiches étaient alors rangées très classiquement, dans des meubles comportant cinq rangées de cinq tiroirs. Cela suggérait une organisation bidimensionnelle et plus précisément, une organisation 5´5. Chaque tiroir devait assez naturellement recevoir des fiches ayant une cote semblable – au moins par le préfixe. J’imaginai donc une matrice de "cotes" utilisant les 25 lettres de l’alphabet (le I, fort opportunément ambigu, étant laissé de côté), ce qui donnait :

A B C D E
F G H J K
L M N O P
Q R S T U
V W X Y Z

Les colonnes correspondaient en principe à l’échelle des structures de la matière – en fait aux activités spécifiques des départements du CEA : Electronique, Physique nucléaire, Chimie, Technologie, et les lignes aux différentes façons d’aborder les problèmes : théorie, production, mesure, description et utilisation des phénomènes. On passait alors de deux à quatre dimensions en utilisant des couples de lettres que complétait, plus classiquement, un suffixe numérique.
Malgré ses ambitions affichées de rationalité bien tempérée, ce système comportait, bien entendu, une large part d’arbitraire7. Il fut cependant complété et mis en service dès 19538 et fonctionna  pendant une quinzaine d’années.

Autres rivages

Poète apprenti, j’avais été mis en rapport avec Raymond Queneau par Jean Paulhan, dès 1945. Nous avions surtout parlé Bourbaki et structures mathématiques, puis nous nous étions retrouvés chez les Vian, le 2 décembre 1947, pour une soirée chansons.
Je le revis à plusieurs reprises et plus tard, le 5 novembre 1953, je pris l’initiative d’une rencontre, chez moi, entre Raymond et Jean Margat, déjà éminent hydrogéologue et fondateur de la Jocondologie9. J’en profitai pour évoquer ma naissante Classification alphanumérique. L’idée plut à Queneau qui en fit une analyse succincte, mais très claire, dans le "prospectus" Présentation de l’Encyclopédie10 (où, curieusement, il me prénomme "Pierre").

Après mon activité de bibliothécaire au Fort de Châtillon, puis à Saclay (1949-1954), je m’étais investi dans le Calcul Analogique, mais sans perdre de vue le calcul électronique "digital" qui prenait son essor avec des machines (on ne parlait pas encore d’"ordinateurs") telles que l’IBM650. C’est pourquoi je revins, en collaboration avec André Leroy, aux problèmes de la Documentation automatique11. Jules Guéron, que j’avais connu lorsqu’il était Directeur du Centre de Saclay, devint Directeur de la Recherche à Euratom et me proposa d’y monter un groupe de recherche sur l’Information Scientifique Automatique12 (1959-1963).

Donc je voyageai : Bruxelles, Ispra, Delft, Noordwijk, Orsay, Bagneux, Chicago…

C’est ainsi que je fus invité par la Graduate Library School de l’Université de Chicago (1988-1990), en tant que "visiting scholar", pour travailler au sein du CILS (Committee for Information and Linguistic Studies). Mon bureau se trouvait au rez-de-chaussée du superbe bâtiment de la Joseph Regenstein Library (qui utilisait d’ailleurs une classification mixte : Bibliothèque du Congrès et mots clés). On y trouvait encore les classiques fichiers à tiroir, aujourd’hui remplacés par des systèmes informatiques.
L’implantation des bâtiments sur le campus tout comme l’organisation même des salles de rangement et de lecture évoque une organisation des connaissances fort complexe qui met en œuvre un hiérarchie des étages et même des bâtiments : "Lettre et Sciences humaines" sont hébergées par la Regenstein Library, "Physique et Sciences de la vie" sont hébergées par la Crerar Library, "Mathématiques et Informatique" par la Eckart Library, etc..
Si l’on prend également en compte les collections spécialisées, les catalogues, les "rare books", etc., on se trouve donc là en présence, comme dans beaucoup d’autres organismes de ce genre, d’ailleurs, d’une véritable hyperbibliothèque, dont la dimensionnalité s’avère plus grande encore. Et dans une ville comme Paris, il existe un service des Bibliothèques Municipales : encore une hyperbibliothèque, donc… on pourrait multiplier les exemples !

seulement_bibli

La Joseph Regenstein Library, Chicago (Il.) 57ème rue.

Retour au pays

C’est pendant mon séjour en Belgique (le siège d’Euratom était à Bruxelles) que j’avais été élu membre de l’OuLiPo. Dans mes premières interventions je fis étalage de mes connaissances en informatique et me lançai dans diverses tentatives de formalisation13. Evoquant une "littérature géométrique", mais toujours fidèle à mes obsessions hiérarchisantes, je proposai les structures d’"hyper sonnet" et d’"hyper triolet", ainsi que la forme auto similaire de l’"avalanche" et de l’"hyperavalanche" , généralisant la traditionnelle "boule de neige".

Depuis longtemps, habité par cette furor mathematicus que le poète et peintre italien Leonardo Sinisgalli a si bien décrite, j’avais noté l’abondance, dans l’œuvre de Jules Verne comme dans celle de Georges Simenon, de titres contenant un nombre entier. Cela me donna l’idée d’une bibliothèque ordonnée (il s’agissait évidemment d’un ordre strictement linéaire), dont le principe de classification serait trivial.
J’en parlai à l’OuLiPo – ainsi qu’à l’ALAMO (Atelier de Littérature Assistée par la Mathématique et les Ordinateurs) que Jacques Roubaud et moi venions de créer. Les titres arrivèrent en foule. Les Oulipiens eux-mêmes produisirent des œuvres aux titres susceptibles d’enrichir cette bibliothèque ordonnée : Sept jours de liberté, Autobiographie chapitre X, Cinquante-trois jours, Trente et un au cube, Cent mille milliards de poèmes, et plus tard Jacques Jouet (107 âmes) et Walter Henry (Trente-quatre brazzles).
Très naturellement de nouvelles familles, de nouvelles bibliothèques s’imposèrent : chromatique, calendaire, familiale, jocondologique, etc..
A la même époque Georges Perec amassait les matériaux que Maurice Olender publia dans sa revue14. La proximité de nos préoccupations taxonomiques n’apparut que plus tard mais en rédigeant le n°48 de la Bibliothèque Oulipienne15, je mis en exergue de la section 3 : « Bibliothèques systématiques » le texte de Georges : Manières de ranger les livres16.

L’expérience nous a convaincus qu’en fait il faudrait dédoubler le concept de Bibliothèque systématique en distinguant les réelles et les imaginaires. Il existe en effet une Bibliothèque ordonnée réelle qui est conservée par Eric Joncquel et s’enrichit chaque jour. Une première version  apparut dans la vitrine de la Librairie Michèle Ignazi à l’occasion de son inauguration, le 18 juin 199217. Plus tard un fragment d’une Bibliothèque chromatique apparut dans la même vitrine, puis des bibliothèques culinaire, érotétique, etc..

seulement_bibli

Un fragment de la Bibliothèque ordonnée,  présentée à la Galerie Aboucaya, 5 rue Sainte-Anastase, 75003 Paris, du 17/12/05 au 21/1/06. La même exposition présentait aussi une bibliothèque  familiale de Jacques Jouet.


De même Jean Margat conserve-t-il une riche Bibliothèque Jocondologique. Il existe donc, pour être précis, des bibliothèques systématiques réelles éphémères et des bibliothèques systématiques réelles pérennes

Spéculations immobilières

Le Rapport CEA n°238 reposait, soigneusement rangé dans mes archives, lorsque, fin 2002, je reçus la visite d’un étudiant de l’Ecole d’Architecture de Paris Belleville, nommé Raphaël Ménard18, dont le mémoire de fin d’études était intitulé Le classement mode d’emploi : les classifications et leurs espaces de représentation. J’eus le plaisir d’y découvrir, après une étude fort bien documentée sur les systèmes de classification (Dewey, Bliss, Ranganathan, Cordonnier), une critique précises des schémas arborescents qui y sont utilisés et, dans la Partie III , intitulée: Hyperespaces/hypertextes), une étude approfondie et tout à fait pertinente de ma vieille classification alpha numérique (pp. 43, 44, 49, 65-66)19. Ménard évoque aussi, bien entendu, Borges, Perec, Roubaud20 et présente, en vingt-et-un niveaux, une hiérarchie des structures de la matière qui va de la "Longueur de Planck" à l’"Univers observable".
Dans l’Appendice A, il approfondit l’analyse de la nouvelle de Borges, avec une rigueur toute pataphysique en calculant le nombre d’ouvrages (25410x40x90) et de cellules que devrait contenir la bibliothèque. Si, comme le suggère Borges dans La bibliothèque de Babel, elle a la forme d’une sphère son rayon serait de l’ordre de 1070000 années-lumière (tandis que notre univers tient à l’aise dans une sphère dont le rayon n’est que de 15.1019 années-lumière…)
La recherche historique et théorique de Raphaël Ménard accompagnait un projet proprement architectural pour la : VI à Jussieu, dont voici la maquette :

seulement_bibli

Une telle bibliothèque-immeuble s’inscrit dans un espace-temps encore virtuel, mais sans doute déjà en expansion !

Les préoccupations immobilières ont toujours été présentes à l’esprit des Oulipiens21. La recherche d’un local s’est longtemps poursuivie jusqu’à ce qu’après la Halle Saint-Pierre, l’amphi 24 de l’Université Paris 7 et le Forum des Images, la Bibliothèque de l’Arsenal et la Bibliothèque Nationale de France accueillent respectivement archives et lectures22.
L’inspiration immobilière s’était manifestée avec éclat pour La bibliothèque impossible Bertin et Jouet visible, malgré une certaine dégradation, au 121 rue Raymond Losserand à Paris.

seulement_bibli

Elle se renouvelle avec la contribution de Frédéric Forte à la B.O. 141 : Maison-bibliothèque qui s’achève sur un zoom d’échelle : « Et après ? La rue-bibliothèque, la ville-bibliothèque, le pays-, le continent-, le monde-bibliothèque ? Je vous laisse les remplir. »
           
Notons que le mathématicien Pierre Deligne, s’inspirant des schémas de Grothendieck, a donné au concept d’immeuble un statut formel dans un article23 où apparaissent aussi les concepts de galerie et de chambre. Avec le concept de porte, déjà illustré par Jacques Roubaud on voit se préciser une ontologie immobilière dont une expression littéraire particulièrement brillante nous a été offerte par Mark Danielewski avec House of Leaves24.

 

Liaisons invisibles


Deligne et Roubaud nous ramènent ainsi naturellement au "bourbakisme" originel de l’Oulipo25 et au "post-bourbakisme" de l’Algèbre des catégories ou de la Géométrie algébrique. J’en profite pour évoquer le concept de lullien proposé par Walter Henry dans la B.O. 71 : aux graphes, aux diagrammes et à leurs architectures.
Les divers types de représentation graphique seraient sans doute plus efficaces avec l’utilisation de la couleur, du relief – et même du mouvement. Le lullien n’est en tout cas qu’un exemple, limité au cas particulier de l’activité littéraire ou para littéraire de la prise de conscience récente, par de nombreux chercheurs, de l’omniprésence des relations (de toutes sortes) formant réseaux et tissus. Deux auteurs ont d’ailleurs bien ressenti et décrit en détail cette situation :

  • Duncan Watts, qui publia successivement Small Worlds26et Six degrees27
  • Albert-Lásló Barabási, qui est l’auteur de Linked28

Watts est sociologue et Barabási physicien. Leurs schémas et leurs diagrammes, pour être plus explicites, devraient évidemment pouvoir sortir de la page, comme les textes et les typographies de Danielewski (et les Rotoreliefs de Marcel Duchamp) s’y emploient.             

Voici d ‘ailleurs un diagramme multi-échelles tout à fait caractéristique des exigences de la représentation sémantique d’un énoncé29 :

seulement_bibli

Le réseau n’est pas seulement une représentation de relations entre mots du texte (ou entre concepts qui les accompagnent). Il propose aussi une sorte de cartographie de chemins virtuels que le lecteur pourrait emprunter, pointant alors vers de véritables programmes de compréhension, programmes qu’il pourrait éventuellement activer, faisant récursivement jaillir des gerbes de sens. On se rapproche ainsi du concept d’"avalanche sémantique" ébauché par Stefan Themerson30 et systématisé par Marcel Bénabou et Georges Perec31, qui rend manifeste la possibilité d’une sorte d’universalité relationnelle multi-échelles et multi-domaines et où peut naturellement s’épanouir le disparate cher à François Le Lionnais32 : disparate physico-chimique de Michel Pétrovitch33, et disparate culturel des Miscellanées de Mr. Schott34reflètent à leur façon le disparate d’univers dont on ne peut qu’évoquer naturellement la multimodalité.
           
Dans le "drame"35 du langage, en tant qu’acteurs (ou simplement spectateurs), c’est-à-dire en tant qu’auteurs, éditeurs, lecteurs, bibliothécaires, nous sommes tous pleinement engagés dans un véritable jeu  jeu de sémantique et de pragmatique, au sens de Morris. Pour ce qui est du sens, on songe assez naturellement à une dialectique d’expansions et de contractions survenant à notre initiative – ou à celle d’un automate – pendant le déploiement de l’avalanche. On peut alors imaginer la possibilité d’états stationnaires : la signification d’un mot s’identifiant alors avec l’état stationnaire (ou les états stationnaires en situation d’ambiguïté) de l’avalanche (cérébrale ou machinale) que ce mot déclenche36 durant le processus de la compréhension.
Et comme certains physiciens interprètent les particules "élémentaires" (et même sub-élémentaires) comme états stationnaires de cordes (ou hyper cordes) vibrantes, la tentation est grande de reprendre et même de généraliser l’analogie des "deux échelles", suggérée dès la B.O. N°48, et reprise et précisée  dans la B.O. N°130, impliquant, au-delà de l’univers, tout son reste (c’est-à-dire la littérature) dans une involution totale.

Ce qui était à l’origine un simple écho à l’essai de Barthou est ainsi devenu, au fil de petites avalanches, une sorte d’abrégé d’épistémologie appliquée  – ou, plus précisément, de rhématologie "restreinte" : lettres, mots et paragraphes, sections et chapitres forment des livres qu’accueillent les bibliothèques, en des immeubles qui appellent cadastres et itinéraires. Mais sans un plan sous les yeux le voyageur qui voudrait prendre son essor pour aller là-bas pour y accomplir des exploits dont nous ne retrouverons que la trace rhétorique.
Forets, Racines, Labyrinthes, ARBRES SÉPHIROTIQUES, immeubles enchevêtrés d’un fantastique "Plan d’occupation des sols", où les herbiers deviennent bibliothèques37, où le Lecteur et la Lectrice ne savent pas s’ils doivent éteindre ou s’étreindre, et où, pour gravir le Mont Analogue, il faut remuer ciel et terre.
Phytographes, photographes, typographes aux semelles de vent dans les feuilles de plomb, kilos de livres, organigrammes ou élevages de poussières : traces…
C’est ce qu’expose Anselm Kiefer38, avec sa nouvelle série de livres au moment où se referme, avec le succès de Gallica, la parenthèse ouverte par Gutenberg.

seulement_bibli
Anselm Kiefer : La brisure des vases39


1 Ce grade est mentionné dans le N°2 des Subsidia Pataphysica,  PARTIE SYNTAXIQUE, p. 19, qui rend compte d’un
   Séminaire de Recherches et de Réalisations qui s’était tenu chez François Le Lionnais, les 26 et 27 sable 93  (vulg.
   26-27 décembre 1966). Les membres de l’OuLiPo furent ensuite promus collectivement au rang de "dataire".

2 Cette nomination accompagnait ma promotion comme "définiteur suprême" dans l’ordre de la Grande Gidouille. Cf. Subsidia Pataphysica n°26, p.12.

3 Mais les archives du Collège attestent que Jean Borzic avait été déjà  nommé "régent dans la chaire de rhématologie" (sans l’épithète "descriptive"), le 22 absolu  93 (vulg. 29 septembre 1965). Cf. Subsidia Pataphysica, N°1, 29 sable 93, p. 24, ainsi que Les très riches heures du Collège de ’Pataphysique, Fayard, 2000, p.139.

4 Grand Larousse de la Langue Française,1977, p.5183.

5 Consultable à "benberthou@orange.fr"

6 « Penser/classer » in Le genre humain 2. Fayard, 1982 p.111.

7 A chaque "matière" correspondait un code alphanumérique. Par exemple, DB61 : Spectres de résonance ferromagnétique ; JX11 : Laboratoires de haute activité ; UE52 : Structure et propriétés des phases et solutions solides,  sur-structures, etc..

8 Ce système de classification est présenté et décrit dans le Rapport CEA N° 238 (décembre 1953), complété et réédité, en collaboration avec Jean Iung, comme Rapport CEA N° 568 en 1956.

9 Cet épisode et raconté dans Chu dans mer sale ou la rumination polymorphe, de Walter Henry (La Bibliothèque Oulipienne n°869, 1997, p.18).  Queneau évoque aussi cette rencontre dans son Journal de 1954 (p.857).

10 Achevé d’imprimer le 6 octobre 1955, ce prospectus a été reproduit dans Bords (Hermann 1963, p.85).

11 Cf. Paul Braffort et André Leroy : Des mots-clés aux phrases-clés. Bulletin des Bibliothèques de France, Septembre1959, p.282.

12 GRISA qui devint, lorsque nous rejoignîmes le site d’ISPRA, en Italie, le CETIS (Centre Européen de Traitement de l’Information Scientifique Automatique.

13 La tentative la plus aboutie parut dans l’Atlas de Littérature potentielle (Gallimard 1988, p.108).

14 Le Genre humain, n°2, 1982, pp.111-127

15 Première d’une série de textes "épi-bibliothéconomiques", ce numéro 48 ne paru pas séparément mais fut inclus dans le Volume III, paru chez Seghers en 1990. Il fut repris et complété dans le numéro 130, publié en 2004, sous le titre : Les univers bibliothèques visibles invisibles réel(le)s virtuel(le)s.

16 L’Humidité, n°25, printemps 1978, p.35-38. Comme le précédent, cet essai fut reproduit par Maurice Olender dans un volume de la collection textes du xxe siècle, intitulé, éponymement,  Penser/Classer (Hachette,1989).

17 Elle-même précédée d’un exposé : Fragments d’une bibliothèque univers, dans le cadre d’un débat : Ecrire, lire classer : Taxinomie d’une bibliothèque. BPI du Centre Pompidou, 27 avril 1988.

18 Et non Pierre…

19 Qu’il avait trouvé à la Bibliothèque Nationale de France. !

20 Mais pas Anne Garréta qui ne publiera qu’en 2006 son essai Impensé/déclassé inspiré – comme le présent paragraphe – par l’œuvre de Perec, et publié dans la Bibliothèque Oulipienne N°141 (1966) : Des rats dans la bibliothèque.

21 La façade de l’immeuble de 11, rue Simon-Crubellier se présente naturellement comme une version 10´10 d’un grand meuble de rangement à tiroirs.

22 Et mlaintenant au Théâtre du Rond-Point.

23 Les immeubles des groupes de tresses généralisés, Inventiones math. 17, 273-302 (1972).

24 Pantheon Books 2000. Traduction française (une réussite de Caro), Denoël 2000, sous le titre La Maison des feuilles. La typographie des deux ouvrages est aussi une réussite… et une inspiration !

25 Cf. David Aubin : The Withering Immortality of Nicolas Bourbaki : A Cultural Connector at the Confluence of mathematics, Structuralism, and the Oulipo in France. Science in Context, 10, 2 (1997), pp.297-342.

26 Sous-titré : The Dynamics of networks between Order and Randomness. Princeton University Press, 1999.

27 Sous-titré : The  Science of a Connected Age. Norton 2003.

28 Sous-titré : How Everything Is Connected to Everything Else and What It Means for Business, Science, and Everyday Life. Penguin, 2003.

29 Il s’agit du dernier paragraphe de la troisième section du deuxième chapitre de la première partie de Tout le monde descend, merveilleuse autobiographie poétique de Jean Queval (Mercure de France, 1959, réédité par Plein Chant, 1988, p.46). J’emprunte ce schéma à L’intelligence artificielle, P.U.F., 1968, p.114.

30 Cf. Bayamus, a novel, Gabberbocchus 1945.

31 Cf. Presbytères et prolétaires. Cahier Georges Perec n°3 , Editions du Limon 1989.

32 Le n°18 des Cahiers Trimestriels du Collège de ‘Pataphysique lui est consacré en grande partie.

33 Mécanismes communs aux phénomènes disparates. Félix Alcan 1921.

34 Allia, 2005

35 Au sens de Henri-Martin Barzun (1912) et surtout de Georges Politzer (1929).

36 Cf. sur mon site www.paulbraffort.net, via l’icône Le langage et ses formes , puis Structures linguistiques et signification, dans la rubrique Littéralgorithmique, l’article Literalgorithmics.

37 "Le Phytographe" (alias Latis), en montre bien la possibilité dans son article érudit : Linguistique : étude de la formation d’un langage botanique (Subsidia Pataphysica N° 2, 29 tatane 93 (26 juillet 1966)).

38 Chute d’étoiles, Musée du Grand Palais, mai- juillet 2007.

39 Reproduit dans le beau livre de Daniel Arasse : Anselm Kiefer, Editions du Regard, 2007.

Littératures / Théories et Méthodes

<< retour << accueil <<
Paul Braffort © 2002
contact