Littératures / 'Pataphysique

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Walter Henri

Chû dans mer sale
ou la rumination polymorphe

 

 

                                                                                              à Jean Margat

 

Précautions écritoires

            Dépouillant, à la demande des Optimates du [Collège de Pataphysique] [1] , à celle aussi des valeureux brigadiers de l'Ouvroir de Littérature Potentielle, les papiers laissés par [Paul BraffortR.], non dans une malle ou une valise (ni dans une bouteille pas plus que dans une baignoire), mais assemblés par lui sous forme de "liasses", il m'a semblé opportun de présenter au public - en les accompagnant de brefs commentaires - quelques textes et documents figurants dans l'une de ces liasses et relatifs à Marcel Duchamp[S.]. On sait que [P.B.] rencontra M.D. à l'occasion d'une réunion de l'OuLiPo, au restaurant La Frégate, le 25 juin 1965. Deux ans plus tard, il reçut la carte postale dont voici le fac-simile :

 

 

La carte postale

            Les signatures sont celles du président/co-fondateur de l'OuLiPo, François Le Lionnais, et de Marcel Duchamp. Tous deux, à l'instar de l'autre co-fondateur, Raymond Queneau (ainsi que de Claude Berge, membre fondateur également et auteur d'une Théorie générale des jeux à n personnes), étaient férus d'échecs [2] . Le timbre de la poste évoque le Grand Prix International d'Echecs qui se déroulait alors à Monaco. Mais la carte postale avait été postée à Monte-Carlo, une ville dont le nom était cher à François, le fondateur et l'animateur de tant d'Ou-X-Po. L'un d'entre eux, l'OuMathPo (Ouvroir de Mathématique Potentielle) comptait en effet, parmi ses membres [3], Stanislaw Ulam, inventeur de la fameuse "méthode de Monte-Carlo", une technique d'analyse numérique qui exploitait les propriétés de l'aléatoire et avait été appliquée avec succès à Los Alamos pour résoudre des problèmes dont on ne peut parler ici, pour d'évidentes raisons de sécurité.

            Sans attendre les travaux de Stanislaw Ulam (ni ceux, ultérieurs, de Jean Ville), Marcel Duchamp avait fondé en 1924 une société par actions et placé un certain nombre d'obligations de 500 francs [4] pour financer le développement et l'exploitation d'une "martingale" censée « faire sauter la banque de Monte-Carlo » [5] . Et dès 1914, dans le cadre des travaux préparatoires à la Mariée, il avait inventé les stoppages étalons qu'il décrivait comme du "hasard en conserve". A la même époque, donc bien avant Iannis Xenakis et John Cage, il avait composé un Erratum musical : un "texte à répéter 3 fois par 3 personnes [lui-même et ses sours Yvonne et Magdeleine] sur 3 partitions différentes composées de notes tirées au hasard dans un chapeau" [6] . Il anticipait en celà les procédés dadaïstes imaginés par Tristan Tzara,  Georges Ribemont-Dessaignes, Hans Arp et leurs amis [7] .

            Ainsi, chacun à sa façon, M.D. et F.L.L. ont été des explorateurs de ces domaines ambigus de la culture où s'affrontent l'automatique [8] - ou tout au moins la rigueur déductive du combat échiquéen - et l'aléatoire. Ils avaient d'ailleurs en commun une immense admiration pour un autre héros des échecs et de l'écriture, Raymond Roussel, que Breton et Desnos avaient célébré [9] . Mais, alors que les surréalistes, infidèles au véritable esprit de Dada, se laissaient prendre au piège des "cadavres exquis", Duchamp, lui, gardait le cap de ce que l'on pourrait appeler, en adoptant le néologisme de Bachelard, la surrationalité.  Ce cap, c'est aussi (ou cela devrait être aussi, semble-t-il) celui de l'OuLiPo.

            Contrairement à l'usage qui veut que les recrutements à l'OuLiPo se fassent par cooptation (après "invitation d'honneur"), la candidature de Duchamp fut proposée de l'extérieur. Je reproduis ici un fragment de la circulaire n° 19, en date du 16 mars 1962 [10] :

            Le Sme Simon Watson-Taylor a adressé à R. Queneau la lettre suivante :

            « Je suis commandé par votre collègue satrapique Marcel Duchamp, que je viens de voir à New York, de vous féliciter bien chaudement sur le dernier dossier du Collège contenant les premiers résultats des recherches de votre OuLiPo. Il était on ne peut plus enthousiaste, disant que lui aussi était en train de faire des recherches linguistiques analogues, mais qui n'étaient pas encore prêtes à être présentées au monde même pataphysique. Mais il faudrait l'encourager.

            « On m'a dit que l'OuLiPo publie un bulletin régulier sur ses séances et ses réalisations théoriques. Ne pensez-vous pas qu'il serait une bonne idée d'envoyer une copie à Duchamp ? Je pense que cela l'intéresserait énormément. Au cas où vous n'avez pas son adresse, c'est : 28 West 10th Street - New York - N.Y. 

S.W.T. »

            Le T.S Marcel Duchamp est nommé « Correspondant Etranger » à l'unanimité. Les bulletins lui seront adressés à l'avenir. Le S.P. est chargé de rédiger une lettre à son adresse, lettre qui sera signée, au cours de la prochaine séance, par les membres présents.

            Les "recherches" auxquelles Duchamp faisait allusion remontaient en fait au début du siècle, où, avec celles de Marinetti et Russolo, puis de Tzara, de Khlebnnikov, Schwitters et Ernst, elles fondaient ce qui est devenu la culture contemporaine (au moment même où Planck, Einstein, Brouwer et Freud effectuaient les percées décisives que l'on sait). La présence de M.D. s'imposait donc au sein de l'OuLiPO, comme celle, demeurée virtuelle, de Stefan Temerson (qui inspira la "littérature sémo-définitionnelle" de Benabou et Perec) et de Tzara (dont les recherches anagrammatiques inspirèrent, entre autres, Michelle Grangaud).

 

Un hypertrope n'est jamais perdu

                Lorsqu'on a été promu oulipien, on le demeure à jamais, volens nolens. Pour quitter cet état, exclusion, démission, décès sont inopérants. Les statuts prévoient toutefois une possibilité de départ : le suicide de l'intéressé en présence d'un huissier assermenté constatant que le geste ultime qu'il accomplit n'a d'autre but que de quitter l'OuLiPo (désespoir amoureux, ruine financière ou morale, euthanasie ne seront donc pas considérés comme raisons valides). Aussi lorsque des oulipiens sont amenés à évoquer leurs collègues, dans la construction d'une de leurs ouvres, c'est la totalité des membres élus, présents ou absents, vivants ou morts, et sans distinction de nationalité, de pratique religieuse ou sexuelle ni de groupe sanguin, qui doit apparaître [11] . C'est ainsi que, dans le chapitre LIX de La vie mode d'emploi, page 353, Georges Perec décrit vingt-quatre « portraits imaginaires » réalisés par le peintre Hutting, sous la forme de très brèves ekphrasis. Chacune d'elles contient homophoniquement le nom de l'un des vingt-trois oulipiens déjà promus en 1978 (la description du premier tableau contient le mot oulipo). Voici le texte qui correspond au onzième tableau :

11 R. Mutt est recalé à l'oral du bac pour avoir soutenu
     que Rouget de l'Isle était l'auteur du Chant du Départ

Une longue glose semble inutile ici : R.Mutt est, avec Rrose Selavy - mais plus rarement qu'elle - un hétéronyme de Duchamp. Il (ou elle) est surtout connu(e) comme le signataire de Fontaine, le quatrième des célèbres Ready-made (ainsi baptisés dans une lettre à sa sour Suzanne, en date du 15 janvier 1916), les trois autres étant la Roue de bicyclette, l'Egouttoir et la pelle à neige intitulée En prévision du bras cassé. Cette Fontaine, présentée - mais refusée - au premier Salon de la "Society for Independant Artists", en 1917, fut acquise par le collectionneur Walter Arensberg puis égarée. Celle qui figure dans la collection Arturo Schwarz, à Milan est donc un faux (bien que signée également "R. Mutt", de la main de Marcel Duchamp, en 1967). De telles péripéties ne pouvaient que plaire, on s'en doute, à l'auteur du Cabinet d'amateur. Pour être complet, je rappelerai que si Rouget de L'Isle est né à Long-le-Saunier (Méhul à Givors et Chénier à Constantinople), Duchamp, né à Blainville, fut brillamment reçu au baccalauréat qu'il passa à Rouen, en 1904, après y avoir été un bon élève de l'école Bossuet (l'aigle de mots!).

            [P. Braffort], de son côté, avait composé pour la Bibliothèque Oulipienne (n°9) un texte intitulé Mes Hypertropes, Vingt-et-un moins un poèmes à programme [12] . Il plaçait Duchamp en septième position (car l'ouvrage ne comportait pas de texte dédié à l'OuLiPo, ni à Ross Chambers, ni à Stanley Chapman, ni à l'auteur; or 11 - 4 = 7). Voici ce poème :

Les mots exquis : « qui l'aime au sexe? »

2–› Comme elles tombent bien ces feuilles
  de Rrose en Comédie Française
  Au cour pour dent la loi sans oil :
  j'oserai six et neuf font treize
5–› Dure est la loi douce est la lie
  Mon couteau tranchera le cou
  des Armance et des Eulalie.
2–› Rrose tu caches tes épines
  lorsque se serre le licou
  sur la gorge de Chaliapine.
5–› Rrose picarde Ah pour Booz cueille
  Foi d'Hannibal les bulles dièzes
  gnoses gonflées à l'air d'Arcueil
  et tampon Pax des Paimpolaises.

Une glose un peu plus détaillée s'impose sans doute ici. J'aimerais la conduire dans l'esprit qui animait Marcel Benabou lorsqu'à la demande d'Hervé Le Tellier il rédigea son savant commentaire de What a man! de Georges Perec. Sans chercher à égaler ici l'érudition d'un André Blavier (Les fous littéraires, Henri Veyrier, 1982), d'un François Caradec (Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, idées/Gallimard, 1975), d'un Bernard Cerquiglini (Le roman de l'orthographe, Hatier, 1995), d'un Luc Etienne (L'art du contrepet, Jean-Jacques Pauvert, 1957), d'un Jacques Jouet (les mots du corps dans les expressions de la langue française, Larousse, 1990), d'un Latis (Linguistique d'un vocabulaire scientifique in Subsidia pataphysica n°2), d'une Michèle Métail (Poétique curieuse dans la Chine ancienne), d'un Oskar Pastior (Spielregel, Wildwuchs, Translation, La Bibliothèque oulipienne numéro 73), d'un Pierre Rosenstiehl (Le dodécadédale ou l'éloge de l'heuristique, Critique 423-424, 1982), d'un Albert-Marie Schmidt (La poésie scientifique en France au Seizième siècle, Albin Michel, 1938), je proposerai les remarques que voici :

1. Le titre 

L'allusion est transparente au fameux Rrose Sélavy et moi esquivons les ecchymoses des esquimaux aux mots exquis, gravé sur le disque rouge de la Machine optique (1924)? reproduit en encart dans 391 (n° 18, juillet 1924), puis, avec une légère variante, inscrit sur un carton dans Anemic Cinéma, réalisé avec Man Ray et Marc Allegret (1926) [13] . La version proposée par [P.B.] évite les considérations ethnographiques ou médicales pour mettre en valeur la composante essentiellement érotique (mais en conservant l'ambiguïté sur le genre) qui est naturellement attachée à la sosie de Duchamp.

2. Prosodie.

Il s'agit, de toute évidence d'un sonnet déviant : les deux tercets sont placés entre les deux quatrains et non après comme chez Pétrarque ou José-Maria de Hérédia. Le poème commence donc comme un sonnet classique, mais s'achève comme une villanelle. Les vers sont des octosyllabes, mètre peu usité de la forme sonnet [14] . Les rimes sont souvent riches, parfois richissimes (on parle alors de "rimes de Crésus" par opposition aux "rimes de Job" qu'affectionnait, par exemple, Jules Romains). La ponctuation pourrait être qualifiée de "pré-apollinarienne" en ce qu'elle élimine virgules (,) et points-virgules (;), mais conserve le point (.) et les deux points (:).

3. Premier quatrain

Rrose Sélavy apparait dès le deuxième vers du poème, comme ella apparaitra à nouveau dans le deuxième tercet et le deuxième quatrain. Plus intéressante est, vers 1, l'allusion à Cyrano de Bergerac, un auteur particulièrement cher à Italo Calvino (mais aussi, de façon plus détournée à l'ouvre érotique d'Apollinaire). Le v.3 est peut-être un hommage à un autre Marcel, le chanteur Mouloudji, interprète de Queneau, de Vian (et de [P.B.] lui-même,dans une chanson peu connue, intitulez Méfiez-vous fillettes). Mouloudji créa La complainte des infidèles, de Carlo Rim et Georges Van Parys, dont le refrain commence ainsi :

Cour pour cour, dent pour dent :
Telle est la loi des amants...

Le dossier préparatoire à Mes hypertropes comporte deux variantes pour le v.4 :

j'oserai six et sept font treize.
j'oserai six et neuf font seize.

La première manifeste une sorte d'opportunisme arithmétique de mauvais aloi. La seconde conserve le charme de l'incongruité en y ajoutant la richesse de la rime. C'est elle que je retiendrai si l'occasion m'est fournie, comme je l'espère, d'éditer un jour les ouvres complètes de [P.B.].

4. Premier tercet

On ne peut évidemment pas imaginer que l'auteur ait prévu les problèmes financiers et moraux que rencontreraient, en cette fin de siècle, le Garde des Sceaux et ses collègues élus de la Capitale, dangereusement promus à de trop hautes responsabilités. Ce sont eux, pourtant, qu'évoque sans doute à nos yeux, le premier vers du tercet. La suite est plus obscure, rapprochant le supplice de la guillotine (abrogée depuis l'adoption de la loi Badinter) de celui de la sainte, martyrisée à Mérida au IIIème siècle. On notera cependant que la Cantilène qui lui fut dédiée demeure le plus ancien poème en langue d'oil qui ait été conservé, tandis qu'Armance est le premier roman publié par Stendhal (en 1827). Une herméneutique plus consistante ne peut être tentés ici qu'en prenant en compte les liaisons intratextuelles qui constituent la contribution la plus originale de [P.B.] à la littérature et à la critique contemporaines. Cet aspect sera abordé plus complètement dans le septième paragraphe de ce commentaire.

5. Deuxième tercet

L'interprétation, ici, est aisée : le premier vers évoque Raymond Queneau, celui de C'est bien connu (rebaptisé plus tard, pour d'évidentes raisons commerciales, Si tu t'imagines) et, au-delà, bien évidemment, Ronsard. Le troisième est une allusion transparente à François Le Lionnais et à sa marraine, Felia Litvinne, cantatrice du Tsar qui lui avait dédicacé une de ses photos. Cette photo, confiée à François, lui fut confisquée par la Gestapo, lorsqu'il fut arrêté puis déporté. Le licou n'est évidemment qu'un écho euphonique (et euphémique) de l'étranglement ou du tranchement de gorge. Pourtant l'image de cette "pièce de harnais qu'on place sur la tête des bêtes de somme pour les attacher, les mener" n'aurait sans doute pas été déplacée dans le Grand verre. Ici encore on peut évoquer Apollinaire (et, au-delà, Aimé Césaire).

6. Deuxième quatrain

Le poème s'achève sur une sorte de feu d'artifice culturel. Après la célèbre chanson anglo-saxonne inspirée par les souvenirs de la Grande Guerre (celle de 14-18) - dont une version française fur malmenée par Yves Montand, on rencontre Victor Hugo (dont le texte fameux : L'Art et la Science, chapitre III de la seconde partie de son William Shakespeare, redécouvert par Jean-Marc Lévy-Leblond, était cher à [P.B.]). Mais ne faut-il pas plutôt songer à l'homophone Bose, célèbre par la "statistique de Bose-Einstein" applicable aux particules de spin entier (en particulier aux photons)? Après Flaubert (Hannibal) et Guénon (gnose), et donc après Queneau (Arcueil, d'ailleurs, est effectivement "loin de Rueil", mais offre l'opportunité d'une riche "rime à l'oil"), les deux derniers vers sont explicitement duchampiens : on songe à l'ampoule Air de Paris offerte en 1919 à Walter Arensberg et l'on remarque surtout que le dernier vers, d'un sadisme évident (notamment en ce qui concerne l'article "d'hygiène intime"), est un écho de la fameuse installation : Etant donnés 1° la chute d'eau, 2° le gaz d'éclairage. Un doute subsiste cependant sur le rôle des "Paimpolaises".  Sont-elles célibataires, ou s'agit-il de travestis comme Rrose Sélavy? Ya-t-il eu des rapports entre la famille Duchamp et Félix Mayol, ou Théodore Botrel? Il faudrait approfondir...

7. Intratextualité : le graphe

Comme c'était le cas pour la version originale (B.O. n°9) ou dans la réédition collective éditée à l'initiative de Paul Fournel (Seghers, 1987, p.177), les vers 3, 6, 9 et 13 sont précédés d'entiers suivis d'une flèche. Les autres poèmes du recueil présentent aussi des flèches "entrantes", mais aussi, parfois, des flèches "sortantes". C'est ce qui explique la présence, p.5, avant la liste des "vingt-et-un moins un poèmes", d'un "graphe des matières". Ceux-ci sont effectivement numérotés de 1 à 20, mais un "texte 0" les précède, qui se présente comme une sorte de "mode d'emploi" de l'ensemble. Malheureusement l'exposé est loin d'être clair et de nombreux lecteurs s'en sont plaints [15] . Je vais m'efforcer de répondre maintenant à leur attente :

Respectant le "premier principe de Roubaud" (une contrainte oulipienne de nature mathématique doit utiliser au moins un théorème relatif à la structure mathématique utilisée), [P.B.] exhibe le Théorème de Zeckendorf (tout nombre entier possède une représentation minimale unique comme somme de nombres de Fibonacci). C'est ainsi que l'entier 20 est la somme de 2, 5 et 13 (la suite de Fibonacci "naturelle" commence par 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, etc..). L'auteur adopte alors la convention suivante : tout poème de rang n doit contenir l'évocation "sémantique" des poèmes dont les rangs correspondent aux nombres de Fibonacci qui constituent la "représentation de Zeckendorf" de l'entier n. L'hommage à Duchamp, figurant au rang 7, doit contenir des allusions aux poèmes de rang 2 (hommage à Marcel Benabou), et de rang 5 (hommage à André Blavier). Les flèches précisent ces évocations : flèches sortantes pour les poèmes 2 et 5, flèches rentrantes pour le poème 7. Elles désignent les vers, qui, dans chaque poème, matérialisent le lien sémantique. C'est ainsi que les vers 15  et 17 du poème 2 réalisent les liaisons voulues avec les vers 2 et 10 du poème 7 grâve qux couplages : "Molière ® Comédie Française" et "Chaliapine  ® Chaliapine". Les liens entre les poèmes 5 (vers 2 et 9) et 7 (vers 6 et 14) sont attestés par "lex dura lex ® tranchera le cou" et "tampons Gex ® tampon Pax" [16] . Malheureusement [P.B.] n'a pas exploité cette idée avec une rigueur suffisante (c'est trop souvent le cas chez cet auteur). En effet :

a) les flèches entrantes du poème 7 ne sont pas placées correctement : la première est placée sur le vers 3 au lieu du vers 2, etc..

b) la première flèche sortante du poème 5 serait mieux venue après le premier vers de ce poème ("la bague au doigt qu'on coupe" irait mieux avec "mon couteau tranchera le cou" que "dura lex"). Or ce premier vers porte déjà une flèche sortante vers le poème 6! Une autre solution consisterait à placer , en 7, la flècche entrante venant fu 5 sur le vers 5.

c) dans tous les cas, l'organisation symétrique - ou tout au moins systématique - des flèches entrantes et sortantes sur les divers poèmes devient caduque.

On pourrait, j'en ai bien peur, multiplier les exemples de ce genre dans le texte...

Malgré les réserves qui s'imposent, et que je me suis fait un devoir d'exprimer, il m'a semblé utile de pousser assez loin l'analyse du texte [braffortien], texte dont l'intérêt (plus documentaire que littéraire, sans doute) réside en grande partie dans l'inspiration duchampienne qui s'y manifeste.

 

Etant donnés

            Cette inspiration est, en fait, bien antérieure à la rencontre [P.B.] - M.D., antérieure, même, à leur élection à l'OuLiPo. Elle remonte, en fait, à l'été 1945, lorsque, participant à un camp de vacances organisé par le cercle Georges Politzer (cercle U.J.R.F. des étudiants de la Faculté des Sciences de Paris), [P.B.] fit un exposé sur le livre récemment paru de Maurice Nadeau (Histoire du surréalisme). Il évoqua naturellement le fameux "ready-made" réalisé en 1919 : L.H.O.O.Q. (à l'origine une carte postale reproduisant le tableau de Léonard de Vinci, réhaussée, au crayon de couleurs, d'une moustache et d'une barbichette - et de la signature de Marcel Duchamp) [17] . Margat, alors étudiant en Géologie, se prit de passion pour la Joconde, ses représentations et leur exploitation commerciale. Bientôt des centaines de correspondants lui adressèrent les objets jocondologiques les plus disparates : chandails, fromages, agrumes, préservatifs, poivrières, icône d'ordinateur, des "petits formats" de chansons (dont une, Mona Lisa, fut interprérée par Tino Rossi et André Claveau), etc.. Une association s'est constituée, de nombreuses expositions ont été organisées. En 1958 un court-métrage fut tourné par Henri Gruel, sur un scénario de Jean Suyeux, des dialogues de Boris Vian, un découpage de Henri Colpi... et une musique de [P.B.] dirigée par Geoges Delerue. La chanson du film : Menuet pour la Joconde était interprétée par Cora Vaucaire. Elle fut également interprétée et enregistrée par Barbara et par l'auteur lui-même.

En mai,1959, un numéro spécial de Bizarre [18] fut consacré à la Jocondologie. On y trouve le curieux "plagiat par anticipation" de M.D. que voici (il s'agit d'une carte postale "patriotique" publiée en 1918 et signée GD, reproduite récemment par Noël Arnaud - agrémentée d'une fausse signature Marcel Duchamp - en couverture de Dragée Haute N°24) :

            La relation entre Margat et Duchamp (relation qui passe par [P.B.] et R.Q. [19] ) illustre bien le concept, cher à cet éminent hydrogéologue (devenu directeur du Bureau de Recherches Géologiques et Géophysiques), de "coïncidence spatio-temporelle décalée et différée". On peut en effet expliciter cette relation à l'aide d'une représentation "chrono-géométrique" à la Fokker [20] , obtenant l'hyper-parallélogramme reliant quatre "vecteurs d'univers" comme suit :

mardi 10 août 1945
Objat (Corrèze)

[P.B.]/J.M. : exposé sur Dada, Marcel Duchamp et la Joconde

 
 

vendredi 5 novembre 1954
chez  [P.B.], 81 rue Lamarck, Paris

>J.M./R.Q. : présentation du dossier et de la collection J.M.

mardi 30 novembre 1954
Galerie Simone Collinet, Paris

R.Q. /M.D. : Queneau parle de Margat à Duchamp
 
 

vendredi 25 juin 1965
Restaurant "La Frégate", Paris

M.D./[P.B.] : réunion de l'OuLiPo avec Duchamp


On sait, grâce au travail remarquable de Linda Darlymple Henderson [21] , mais aussi à la contribution de F.L.L. au catalogue de l'exposition Marcel Duchamp organisée au Centre Georges Pompidou en février 1977, contribution intitulée Echecs et maths [22] , que M.D. étudia très sérieusement les ouvrages de Mathématique et de Philosophie des Sciences publiés par Henri Poincaré. Il s'en était nourri en profitant de son activité de bibliothécaire à Sainte-Geneviève, en 1913, et s'était particulièrement interessé au Traité élémentaire de Géométrie en quatre dimensions, d'Elie Jouffret (Gauthiers-Villars, 1903).

            Critiques et commentateurs s'évertuent, depuis plusieurs décennies, à "déchiffrer" les deux grandes ouvres de Duchamp [23] : La mariée mise à nu par ses célibataires même et Etant donnés 1° la chute d'eau, 2° le gaz d'éclairage. Plusieurs ont émis l'hypothèse qu'il recherchait, par l'utilisation des verres, des schémas d'appareillage reproduit avec le plus grand réalisme dans la perspective (La mariée), ou par l'organisation méticuleuse d'un trompe-l'oil incluant des objets d'usage courant, des systèmes mécaniques et électriques (Etant donnés), la mise au point d'une forme nouvelle de représentation. Les notes qui composent la Boîte verte et la Boîte blanche suggèrent qu'il considérait ces "apparences" tridimensionnelles comme les projections d'objets situés dans un univers à quatre dimensions (ou plus). Mais je ne me sens pas qualifié pour entrer dans ce débat qui a visiblement beaucoup interessé [P.B.] [24]

            Je me bornerai ici à présenter, de cet auteur, quelques exercices d'assouplissment de type pédagogique, dans l'esprit des travaux du [Collège de Pataphysique]. C'est un esprit voisin qui animait Jean Margat (qui fut d'ailleurs un invité d'honneur de l'OuLiPo) lorsque, dans le numéro spécial de Bizarre déjà cité, il incluait, dans les Devoirs de Jocondologie, les problèmes suivants dans lesquels la Mathématique et les Beaux-Arts se trouvent heureusement réunis [25] :

GÉodÉsie
                Sachant que la superficie de la Joconde est de 4.081 cm2, calculez le nombre de Joconde [sic] nécessaire pour recouvrir : 1° le département de la Seine ; l'île de Madagascar ; l'Océan Pacifique.

Calcul
                La Joconde se trouve découpée en petits morceaux d'un pouce carré. Sachant qu'elle mesure 77 cm de longueur sur 56 cm de largeur, calculez le nombre de morceaux.

ArithmÉtique
                Sachant que la Joconde mesurait 1 m 68 [il s'agit du modèle, évidemment] et que les piles du pont visible à l'arrière-plan à droite sont espacées de 4 m 50 :
                1° Calculez à quelle distance elle se trouve de l'horizon ?
                2° Trouvez la distance à laquelle elle était placée du chevalet ?
                Exprimez les résultats en toises puis en milles marins.

HygiÈne
                Choisissez des reproductions de la Joconde sur papier très fin, et en nombre suffisant. Employez-les ensuite à tout usage dont la nécessité pourrait se faire sentir.

            Se référant à l'ouvrage ultime de M.D. (qui ne fut découvert qu'après sa mort, mais qu'annonçait déjà un texte de la Boîte verte) - mais en adoptant une approche "margatienne" - [P.B.] avait, à son tour, composé quelques "étant donnés" dont voici une sélection :

 

Etant donnés

1° l'aube du septième jour
2° l'aurore du vide
3° le matin des magiciens
4° midis gagnés
5° l'après-midi d'un faune
6° le goûter des généraux
7° la soirée avec Mr Teste
8° le crépuscule des Dieux
9° la nuit de Walpurgis,

a) Reconstituer le Jour des Parques
(une journée, certes, bien particulière)
b) envisager un week-end à Zuydcoote
c) imaginer sept jours de liberté
d) décrire une décade prodigieuse
e) en déduire le récit de sept fois sept jours
f) embrayer sur les images précises d'un rude hiver et d'un adieu à l'automne.
g) cela pourra fournir les bases d'un journal de l'année terrible
h) ou des mémoires d'un enfant du siècle

 

Etant donnés

-"Etendue d'eau stagnante, naturelle ou artificielle, peu profonde, de surface généralement réduite, résultant de l'imperméabilité du  sol"
- "Femmes" en italien
- (chez Heidegger) "Etre en tant que phénomène"
- "Face postérieure du corps de l'homme, des épaules aux reins" + "Partie saillante du visage, entre la bouche et le front"
- "[faut-il qu'on] refuse [(qqn) à un examen]"- Georges (1848-1918), romancier et dramaturge français, auteur du Maître de forges.
- "Clôture faite d'arbres et d'arbustes alignés" + "Grosse mouche dont la femelle pique l'homme et le bétail et leur suce le sang"
- Maurice (1859-1945), écrivain et auteur dramatique français
- "exclamation voisine de celle qui échappa au Maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, lors de célèbres inondations"
- Michel, duc d'Elchingen, prince de la Moskova, maréchal de France, surnommé Le Brave des braves

J'arrête ici cet échantillonnage, pour des raisons évidentes de sécurité (la mienne).

 

Chauffe, Marcel!

            Si l'on adopte la devise chère à [P.B.] : « Sciences, Arts, Littérature : même combat! », on acceptera peut-être que le titre de ce paragraphe final ait pris la forme d'un salut amical à Marcel Azzola. Rappelons que si le troisième Marcel (Mouloudji) [26] fut l'interprète d'une chanson de [P.B.], il fut aussi la vedette d'un spectacle monté au Théâtre des Trois Baudets, en 1954, par Jacques Canetti. Deux débutants figuraient au programme de ce spectacle : Jacques Brel et [P.B.]. En 1959, pour l'enregistrement des huit chansons (parmi lesquelles le Menuet pour la Joconde) qu'éditait Pathé-Marconi, il] avait réuni d'excellents musiciens parmi lesquels Marcel Azzola joua un rôle essentiel, improvisant de superbes contrechants.

            Cette "unité des disciplines", cette obsession qui hante [P.B.] (il en avait fait le thème d'un exposé au séminaire Bachelard, dès 1944) est aussi la préoccupation majeure de la revue Alliage. Le numéro 28 (automne 96), en particulier, a ouvert un débat autour de Paul Feyerabend [27] , débat qu'amplifie Jean-Marc Lévy-Leblond à propos des ouvres du peintre François Morellet.

            Feyerabend, dans ses Thèses sur l'anarchisme épistémologique (un texte de 1973 reproduit dans Alliage), soulignait l'analogie entre sa démarche et celle de Dada. Lévy-Leblond, de son côté, oppose à une culture artistique consciente de son histoire (même si c'est pour en prendre le contrepied), la naïveté - ou l'ignorance - d'une science qui ne se conjugue qu'au présent parfait! Il s'interroge alors sur une possible "démarche duchampienne" (Morellet, dans son bref article Résister à Descartes, se réfère à son tour à Duchamp). On affronterait alors vraiment cette « crise profonde de la science » dont on ose enfin parler, qui dénonce elle-même une crise plus générale de la culture, semblable à celle qui explosa brusquement, de 1905 à 1923, dans d'autres domaines.

            Aussi pourrait-on souhaiter que, délaissant des jeux de langage un peu stériles où il s'est complu jusqu'alors, [P.B.], bien conscient de cette crise, se consacre davantage à un effort d'analyse (et peut-être de synthèse) où sa contribution pourrait être plus significative.

W.H.



[1] Dans tout ce qui suit, les crochets [ et ] entourent les institutions ou personnes actuellement occultées.

[2] La publication - dans des conditions d'ailleurs contestables - des Journaux de R.Q.  met en évidence un étrange phénomène de "prémonition". A trois reprises, en 1931, il rêve de Duchamp et souhaite l'affronter aux échecs. Il ne fera pourtant sa connaissance qu'en 1937 et, plus tard, jouera effectivement avec lui. Pendant l'été 1948, il fera de nombreuses parties avec... André Gide.

[3] Avec François Le Lionnais et Stanislaw Ulam, on y trouvait Claude Berge, Paul Braffort et Jacques Roubaud, oulipiens, mais aussi Gian-Carlo Rota et Georg Kreisel.

[4] Des extraits des statuts ainsi que des lettres adressées à Francis Picabia ("je dessine maintenant sur le hasard")et Jacques Doucet ("je ne suis ni ruiné ni milliardaire et je ne serai jamais ni l'un ni l'autre") ont été publiés par Michel Sanouillet dans Duchamp du signe, Flammarion 1994, p.268 et sqq. On connait le collage de Man Ray combinant une de ces obligations avec un portrait de Duchamp (cf. Janis Mink : Duchamp, Taschen, 1995, p. 72.

[5] Jacques Roubaud reçut aussi de FLL et MD une carte postale de Monaco lui précisant qu'ils avaient à nouveau exploité, mais sans succès, la fameuse martingale.

[6] Cf. Michel Sanouillet, loc. cit., p. 53.

[7] Cf. Hans Richter : Dada, art and anti-art, Thames and Hudson, 1965, pp. 50 à 67.

[8] Lorsqu'en 1961 [P.B.] eut la responsabilité, dans le cadre d'EURATOM, d'un vaste programme de recherches sur l'Intelligence Artificielle (qui venait d'être ainsi baptisée par Marvin Minsky), F.L.L. l'aida à constituer une équipe d'experts pour entamer l'étude de l'automatisation du jeu des échecs. Cette équipe comprenait, outre [P.B.] et F.L.L., Claude Berge, le psychologue A.D. de Groot et l'ancien champion du monde Max Euwe.

[9] François Le Lionnais avait eu l'occasion de correspondre avec Roussel, en 1932, lors de la publication par celui-ci, dans L'Échiquier (dont François dirigeait la rédaction), de son essai sur Le Mat du Fou et du Cavalier. Roussel le publia à nouveau, en 1935 dans Comment j'ai écrit certains de mes livres, suivi d'un commentaire de S. Tartakover, autre ami de F.L.L.. On sait que le titre de cet ouvrage ultime de Roussel inspira Italo Calvino (cf. Bibliothèque Oulipienne n°20) et Marcel Benabou.

[10] Cf. Jacques Bens : oulipo, 1960-1963, Christian Bourgois, 1980, pp. 126-7. Noël Arnaud, Jacques Bens, Claude Berge, Jacques Duchateau, Jean Lescure et Jean Queval étaient présents à cette séance, ainsi que les deux co-fondateurs.

[11] On notera cependant qu'Harry Mathews, dans la boule de neige fondante onomastique qui figure en exergue de l'Atlas de littérature potentielle, Gallimard, Folio essais n°109, omet à la fois Duchamp, Chambers et Chapman.

[12] En hommage, peut-être, à Tristan Tzara et à ses vingt-cinq-et-un poèmes (1918, 1946).

[13] Cf. Sanouillet, loc. cit., p.153. On notera que la chronologie proposée par Sanouillet est fautive.

[14] « C'est le plus grand de ceux qui peuvent se prononcer sans aucun repos, ou césure » précise l'excellent Dictionnaire des rimes de Louis Cayotte (Hachette, 1918, p.IV).

[15] L'Atlas de littérature potentielle contenait, dans sa première édition (1981), un article de [P.B.] intitulé U.S.F.A.L. : Un Système Formel pour l'Algorithmique Littéraire qui fut déjà fort mal reçu par la critique. L'auteur fut donc prié, lors de la réédition de 1988, de réécrire son texte, devenu F.A.S.T.L. : Formalismes pour l'Analyse et la Synthèse de Textes Littéraires, sans rencontrer beaucoup plus d'enthousiasme.

[16] Dans les notes de travail qu'il rédigea, entre 1913 et 1915, pour la Mariée, notes retrouvées en 1965, et publiées sous le titre A l'infinitif (ou La boîte blanche), M.D. évoque « un objet en chocolat pax ».

[17] Il semble que cet équivoque acronyme ait été conçu (si l'on peut dire) en collaboration avec Francis Picabia qui l'utilisa pour son tableau (?) Le double monde et reproduisit la Joconde (sans barbichette) en couverture du numéro 12 de sa revue 391 (mars 1920). En 1965, Duchamp produira une L.H.O.O.Q. rasée.

[18] Cf. Bizarre Nos XII et XII (N° Spécial : La Joconde). Jean-Jacques Pauvert, mai 1959, pp. 53, 54.

[19] Quoi qu'il en dise dans son Journal (p.857), R.Q. fut impressioné par le travail de J.M. au point de le mentionner à nouveau deux fois lors d'une discussion avec Jean Lescure, le 10 novembre (p.860) et de sa rencontre, avec Duchamp, le 30 novembre (p.865).

[20] Cf. Time and Space, Weight and Inertia, Pergamon, 1965.

[21] The Fourth Dimension and Non-Euclidean Geometry in Modern Art, Princeton University Press, 1983, partriculièrement pages 117-163.

[22] Voir pp. 42 à 52-1 du catalogue. Henderson cite un texte antérieur de F.L.L. : Marcel Duchamp as a Chess Player and One or Two Related Matters (un interview avec Ralph Rumney), Studio International, clxxxix, 1975, p. 24.

[23] On lira avec intérêt l'analyse, par Harry Mathews, d'un ouvrage récent de Jerold Seigel : The Private Worlds of Marcel Duchamp : Desire, Liberation and teh Self in Modern Culture, article paru dans London Review of Books, 28 novembre 1996.

[24] C'est d'ailleurs l'un des thèmes développés par lui dans un article destiné à la revue Alliage (dirigée par Jean-Marc Lévy-Leblond) et intitulé : AA : des sans -dés.

[25] Je dois remercier ici Jean Margat qui m'en autorise la reproduction.

[26] Ou plutôt le quatrième en comptant - ce qui s'impose - Marcel Benabou!

[27] A l'occasion de la parution, aux éditions du Seuil, de Dialogues sur la connaissance et Tuer le temps.

 

 

 

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